Le Mont-Saint-Michel au milieu des sables vers 2040 ?
Comme nous l’avons vu précédemment, en créant des polders et des digues l’homme a accéléré le processus d’ensablement. La mer entoure de moins en moins le Mont et la baie se couvre de plus en plus d’herbus, et à cela vient s’ajouter la question de la digue. Avec la construction de la digue-route, de grandes quantités de sable atteignent les remparts jusqu’à une hauteur de 3 mètres.

La photo du 21e siècle ci-dessus, montre bien la digue qui vient buter entre la tour du Roi située à gauche et la tour de l’Arcade à droite. C’était un élément supplémentaire de grogne pour les architectes des Beaux-Arts, ils pensaient en effet que les Ponts et Chaussées allaient effectuer une ouverture dans la vieille muraille. Cela permettrait d’accéder directement dans la Rue basse, à l’intérieur du Mont. Ce n’était pas ce qui avait été prévu, on se passionne pour ce que l’on va appeler « l’affaire de la digue ». qui agite les milieux politiques de Paris.
En 1881, on parle même de couper la digue, lors du débat du budget des Beaux-Arts, à l’Assemblée Nationale. Le député d’Avranches, M. Morel demande que l’on prévoit une somme forfaitaire pour réparer les dommages causés par la digue aux remparts du Mont-Saint-Michel. On pensait en effet que la digue arrivant sur les remparts, provoquerait leur effondrement sur la rue intérieur. Le rapporteur au budget ne l’entendait pas ainsi, et fit une réponse radicale il fallait « couper la digue« . Ci-dessous un dessin montre l’emprise de la digue sur les remparts.

On aperçoit des gros madriers qui servent d’étais pour soutenir le mur intérieur des remparts.
On pouvait en effet s’inquiéter des chutes de pierres provenant du mur de soutien des remparts, ce qui explique l’installation de gros madriers. Cette carte postale est aussi intéressante car on peut y voir une jeune personne qui regarde le peintre assis en train de réaliser son oeuvre, et qui n’est autre que Madame Poulard devant son modeste établissement. On aperçoit son mari sur la droite servant deux clients. Ils deviendront célèbres avec la fameuse « Omelette Poulard ».
Un périmètre de protection du Mont-Saint-Michel est enfin décidé en 1919. Pour essayer de limiter l’ensablement du célèbre rocher, on cherche à diminuer la concession des polders qui devaient arriver très près du Mont ! Alors que le chantier pour la réalisation des polders se poursuit, des négociations ont lieu entre l’Etat et la Compagnie des Polders de l’Ouest. On parvient à un accord de réduction de 116 hectares au Sud-Ouest du Mont-Saint-Michel, moyennant une indemnité de 55.000F.

Le trait jaune indique les distances de 1.100 mètres et 2.037 mètres à ne pas dépasser. On craignait en effet que le Mont-Saint-Michel soit de plus en plus entouré de prairie, comme le montre cette photo-montage !

La France sort meurtrie deux guerres mondiales, qui paralysent tous projets concernant le Mont, par manque de financement. Pour approfondir la notion d’ensablement, on essaie de raisonner avec une démarche scientifique.
Des études scientifiques
C’est seulement en 1970 que des études scientifiques sont réalisées. Le problème est de savoir si l’élévation des grèves près du Mont, résulte d’un processus naturel dans la baie ou si les travaux réalisés depuis le 19e siècle, dont la digue-route construite en 1879, accélèrent l’ensablement ? Ce qui est en cause c’est « l’insularité du Mont-Saint-Michel »
C’est alors qu’un premier rapport du Laboratoire Central d’Hydraulique, de France, près de Paris, évoque « Le Rétablissement d’un caractère Maritime du Mont-Saint-Michel ». Nous présentons la première page.

L’UNESCO classe en 1979 le Mont-Saint-Michel au patrimoine mondial de l’humanité. L’institution internationale fait pression sur les pouvoirs publics pour sauver le Mont de l’ensablement. Il faut faire quelque chose…
- Une première phase de travaux est lancée par le Président de la République M. Mitterand. C’est la démolition de la digue de la Roche Torin en 1983. Le Président se fait expliquer l’objectif des travaux.


Le dernier projet.
Les deux guerres mondiales ont empêché la mise en oeuvre de tout projet, par manque de financements. Après encore une série de plusieurs projets non concluants, en 1995, le Premier Ministre M. Balladur signe le dernier et définitif projet du Rétablissement du Caractère Maritime. C’est un projet ambitieux de 220,74 M€, grâce à un plan de financement moderne de huit partenaires: L’Europe, l’Etat, les Régions Normandie, Bretagne, les départements de La Manche, l’Ille et Vilaine, et les Agences de l’eau.
L’engagement financier des différentes institutions.

– Les trois objectifs :
-
1 ) Rétablir le caractère maritime du Mont-Saint-Michel, c’est rétablir et pérenniser le caractère maritime du Mont en pourtour.
- 2 ) Requalifier le site en restaurant ce grand paysage, inscrit sur la liste des sites et monuments de l’UNESCO, par la suppression du parking installé sur les grèves et de la digue-route qui vient buter sur les remparts. Un nouveau barrage sera installé sur le Couesnon pour prolonger et amplifier l’évacuation des sédiments vers le large à marée descendante. Un pont-passerelle permettra la libre divagation du cours du Couesnon, optimisé par l’effet de chasse.
- 3 ) Revaloriser l’accueil et l’approche des visiteurs. La construction d’un centre d’accueil des visiteurs, le CIT le Centre d’Information Touristique. La mise en service de navettes qui amèneront les touristes. Et un cheminement aménagé pour se rendre à pied au Mont.